Le blanchiment des récifs libère des composés qui attirent les bactéries nocives

Les récifs coralliens comptent parmi les écosystèmes les plus diversifiés et les plus productifs de la planète, abritant des millions d’espèces et fournissant des services vitaux pour le bien-être humain.

Cependant, ils sont également confrontés à des menaces sans précédent liées au changement climatique, à la pollution, à la surpêche et à d’autres activités humaines.

L’un des signes les plus visibles et les plus alarmants de la dégradation des récifs coralliens est le blanchissement des coraux, un phénomène qui se produit lorsque les coraux expulsent les algues symbiotiques qui vivent dans leurs tissus et leur fournissent de l’énergie et des nutriments.

Le blanchissement des coraux peut être déclenché par divers facteurs de stress, tels qu’une température élevée de l’eau, une faible salinité ou une intensité lumineuse élevée. Lorsque les coraux blanchissent, ils perdent leurs couleurs vives et deviennent blancs, ce qui les rend plus sensibles aux maladies et à la mortalité.

Mais le blanchissement des coraux n’est pas seulement un problème esthétique ; cela a également de profondes implications pour l’ensemble de l’écosystème récifal et au-delà.

Dans cet article, nous explorerons deux aspects du blanchissement des coraux qui sont souvent négligés : la libération de composés organiques par les coraux blanchis et la prolifération bactérienne qui s’ensuit qui affecte la qualité de l’eau et la santé d’autres organismes marins.

L’impact invisible du blanchiment des coraux

Lorsque les coraux blanchissent, ils ne perdent pas seulement leurs algues ; ils libèrent également des composés organiques uniques dans leur environnement. Ces composés ne sont pas que des sous-produits ; ils sont des catalyseurs pour les bactéries opportunistes qui prospèrent dans ces conditions modifiées.

Des chercheurs de l’Université d’Hawaï à Manoa et de l’Institut royal néerlandais de recherche maritime ont découvert que les composés libérés lors des événements de blanchissement des coraux favorisent la croissance bactérienne, exacerbant ainsi le stress sur les récifs coralliens déjà vulnérables.

Les chercheurs ont mené leur étude à Moorea, en Polynésie française, où ils ont surveillé les changements dans la chimie de l’eau et la communauté microbienne avant, pendant et après un événement majeur de blanchiment en 2016.

Ils ont constaté que la concentration de carbone organique dissous (COD), une mesure de la matière organique présente dans l’eau, augmentait considérablement pendant l’événement de blanchiment, atteignant des niveaux 40 % plus élevés que la normale.

Cette augmentation du COD s’est accompagnée d’un changement dans la communauté bactérienne, avec une prédominance de bactéries connues pour dégrader la matière organique et produire des toxines.

Ces bactéries ont également consommé plus d’oxygène, créant des zones hypoxiques (faibles en oxygène) qui peuvent étouffer d’autres espèces marines.

Les chercheurs ont conclu que les composés libérés par les coraux blanchis constituent non seulement une source de nourriture pour les bactéries, mais également un signal qui déclenche leur croissance et leur activité.

Ils ont suggéré que ces composés pourraient agir comme des infochimiques, des signaux chimiques qui transmettent des informations sur l’environnement et influencent le comportement d’autres organismes.

Dans ce cas, les informations chimiques peuvent indiquer que les coraux sont stressés et vulnérables, attirant des bactéries capables d’exploiter leur état affaibli.

Un examen plus approfondi de la prolifération bactérienne

La prolifération bactérienne résultant du blanchissement des coraux a des impacts à court et à long terme sur l’écosystème récifal et au-delà.

À court terme, l’activité bactérienne accrue peut intensifier le stress sur les coraux, car les bactéries entrent en compétition avec eux pour l’oxygène et les nutriments, produisent des substances nocives et augmentent le risque d’infection.

Les bactéries peuvent également affecter la santé d’autres organismes récifaux, tels que les poissons, les invertébrés et les algues, en altérant la qualité de l’eau, en réduisant la disponibilité d’oxygène et en libérant des toxines.

Certaines toxines produites par les bactéries, comme les cyanotoxines et les saxitoxines, peuvent également s’accumuler dans la chaîne alimentaire et constituer une menace pour la santé humaine, notamment à travers la consommation de fruits de mer.

À long terme, la prolifération bactérienne peut avoir des effets en cascade sur l’écosystème récifal et les habitats adjacents, tels que les herbiers marins et les mangroves.

Les bactéries peuvent modifier les cycles biogéochimiques du carbone, de l’azote et du phosphore, affectant ainsi la disponibilité des nutriments et la productivité primaire du système.

Les bactéries peuvent également influencer les processus de sédimentation et d’érosion, car elles peuvent favoriser l’agrégation et le naufrage des particules organiques, ou dégrader les squelettes carbonatés des coraux et d’autres organismes calcifiants.

Ces changements peuvent affecter la structure et la fonction du récif, ainsi que sa résilience et son potentiel de rétablissement.

Les recherches sur la prolifération bactérienne induite par le blanchissement des coraux mettent en évidence la complexité et l’interconnectivité de l’écosystème récifal, ainsi que la nécessité d’une approche holistique et multidisciplinaire pour le comprendre et le protéger.

La recherche souligne également l’urgence de s’attaquer aux causes profondes du blanchissement des coraux, telles que le réchauffement climatique et l’acidification des océans, ainsi qu’aux facteurs de stress locaux, tels que la pollution et la surpêche, qui peuvent exacerber ses effets.

Les récifs coralliens ne sont pas seulement beaux et riches en biodiversité ; ils sont également essentiels au bien-être de millions de personnes dans le monde. Les sauver du blanchiment et de ses conséquences est non seulement un impératif écologique, mais aussi une responsabilité morale et sociale.

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