Des écosystèmes sont-ils menacés ?

Le changement climatique provoqué par l’homme est environ quinze fois plus rapide que ceux, d’origine naturelle, du dernier million d’années. En un siècle, les températures pourraient augmenter autant que pendant la déglaciation entre 19 000 et 9 000 ans, lorsqu’on passe d’un monde glaciaire à notre monde interglaciaire, soit une remontée des températures moyennes globales de 4 °C. Les capacités d’adaptation des espèces végétales et animales, surtout celles qui vivent longtemps, sont souvent mises en défaut par un rythme aussi rapide.

Ainsi, les arbres des forêts des pays tempérés sont menacés par des vagues de chaleur et des sécheresses répétées. Au-delà de 4 °C de réchauffement climatique, les forêts européennes perdront une grande partie de leur valeur économique car les espèces adaptées à un tel climat, plus sec, auront beaucoup moins d’intérêt que celles qui y sont aujourd’hui (chênes, hêtres). Quant aux forêts tropicales, elles risquent de subir des modifications de la circulation des vents, qui déterminent leurs régimes pluviométriques. Lorsque des espèces végétales bénéficient d’un arrosage régulier et important, il suffit d’une diminution de la pluviométrie ou d’une accentuation des variations interannuelles pour qu’elles périclitent : on passe ainsi d’une forêt dense à une savane arborée. Si l’origine des feux (naturel ou anthropique) est variée, l’étendue de leur propagation dépend surtout des conditions climatiques. Les changements climatiques favorisent l’augmentation des températures, l’évaporation et l’assèchement des sols, facteurs d’incendies plus violents. Les étés très chauds et secs contribuent à l’extension des incendies comme ceux qui ont frappé les forêts du sud-est de l’Australie en janvier 2020, avec l’émission d’un panache de fumée perçu jusqu’en Amérique. Il faudra déployer une meilleure gestion forestière pour contrecarrer cette tendance à l’extension des feux, visible au Canada, aux États-Unis, en Sibérie et en Indonésie pendant les événements El Niño, conduisant à une forte sécheresse dans cette zone. Des feux inédits ont aussi frappé aux plus hautes latitudes, au Groenland et en Scandinavie à l’été 2018. Toutes les interactions écosystémiques (comme la coïncidence temporelle de l’abondance des proies et des besoins des prédateurs en période de reproduction, à l’exemple des insectes et des oiseaux) courent le danger de se retrouver décalées par les changements de températures, qui avancent les dates de floraison ou de mûrissement des fruits.

Parmi les écosystèmes menacés, les coraux sont en première ligne. Passés certains seuils de température, ils blanchissent. Leur rétablissement est possible mais il sera de plus en plus difficile et entravé par l’acidification des océans. Or, les coraux sont à l’origine d’un écosystème très riche, notamment en poissons capturés par de petits pêcheurs. Leur affaiblissement entraînera celui de l’ensemble de cet écosystème. La Grande Barrière de corail, au large de l’Australie, est un exemple majeur.

Sur les continents, les transformations les plus spectaculaires seront visibles dans les hautes latitudes de l’hémisphère Nord (Canada, Alaska, Sibérie) : ce sont les zones qui subiront le plus fort réchauffement. La réduction de la banquise estivale sera très importante. La progression de la forêt (la taïga sibérienne, les forêts d’épinettes au Canada) vers le nord sera rapide. L’espace de la toundra rétrécira. Le pergélisol se réduira. Les communautés animales réagiront à ces transformations : une compétition darwinienne pour les nouvelles niches écologiques opposera les espèces. Les espèces inféodées à la taïga (élan, lynx, grive de Sibérie, loup…) poursuivront leur progression tandis que les ours polaires devront trouver d’autres moyens que la pêche sur la banquise pour subsister. Le réchauffement des sols accélérera la vie microbienne et la croissance végétale, ce qui entraînera un réchauffement supplémentaire.

La concentration plus élevée de l’atmosphère en CO2 et la dispersion à grande échelle de fertilisants azotés peuvent sembler une bonne nouvelle pour la végétation. Les arbres ont ainsi tendance à pousser plus vite dans les forêts, plantées ou naturelles, depuis plusieurs décennies. Mais cette croissance accélérée, si elle a l’avantage de capter une part du CO2 émis, fragilise plutôt les arbres, souvent d’autant plus solides et longévifs qu’ils grandissent lentement.

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