Quel rôle joue l’océan dans le climat ?

Les océans couvrent 70 % de la surface terrestre. En dehors du talus continental (zone en pente qui relie le plateau continental aux zones abyssales de l’océan), ils s’étendent jusqu’à des profondeurs de 4 000 mètres en moyenne, avec un record de 11 020 mètres (fosse des Mariannes). Leur température varie du point de congélation de l’eau salée (-2,7 °C) (la température de l’apparition du premier cristal de glace pour une eau salée à 35g/l se fait à -1,9°C) à des valeurs de plus de 30 °C à la surface près de l’équateur. Cette formidable masse d’eau constitue le second moteur de transport de chaleur et d’énergie de notre planète. Elle peut dissiper d’énormes quantités d’énergie ou au contraire faire preuve d’une certaine inertie. Mais qu’est-ce qui fait bouger d’aussi importantes quantités d’eau ?

Les trois paramètres importants des propriétés des masses d’eau, en particulier celles qui déterminent leur densité, sont la température, la salinité et la pression. L’excès de chaleur des basses latitudes est transporté vers les pôles par les courants. La température décroît de l’équateur (30 °C) aux hautes latitudes (2 °C). Mais l’océan étant chauffé par le haut, la chaleur décroît aussi avec la profondeur, avec 28 °C dans les eaux de surface tropicales et 2 °C au fond de l’océan. La température des masses d’eau est donc stratifiée, en fonction de la latitude et de la profondeur.

Le second paramètre qui intervient dans la densité est la salinité. Celle-ci change en fonction des interactions avec l’atmosphère (évaporation/précipitation). En surface, et en moyenne par bande de latitude, elle varie de 37 à 33 milligrammes de sel par gramme d’eau, des tropiques aux hautes latitudes. Mais globalement, la salinité fluctue peu et 50 % de l’eau des océans affiche une salinité comprise entre 34,6 et 34,7 mg/g.

Le troisième paramètre est la pression qui augmente, en fonction de la profondeur, d’une atmosphère tous les 10 mètres.

La variation de ces trois éléments modifie la densité des masses d’eau. Ainsi, un refroidissement de 5 °C, une augmentation de la salinité de 1 mg/g, ou encore l’enfoncement de 200 mètres provoquent la même augmentation de densité. Ces variations déterminent en partie les mouvements des masses d’eau. En profondeur, les modifications ne peuvent se produire que par le mélange de masses d’eau de propriétés différentes. En surface, la dynamique est fortement influencée par le forçage mécanique des vents qui produit de très grandes structures tourbillonnaires (gyres) et par le cycle hydrologique qui modifie la salinité (évaporation/précipitation). Les vents d’est des zones tropicales et les vents d’ouest des zones tempérées constituent des cellules anticycloniques (tournant dans le sens des aiguilles d’une montre). Ces considérations, connues depuis longtemps, font parties de l’histoire de notre climat et ont été utilisées par Christophe Colomb pour traverser l’Atlantique.

La circulation océanique peut être schématisée ainsi : dans de petits espaces des hautes latitudes des hémisphères Nord et Sud, l’eau de surface, suffisamment dense, s’enfonce jusqu’au fond des océans. Les eaux plongent dans l’hémisphère boréal en Atlantique Nord, près du Groenland et dans les mers nordiques, tandis qu’au sud, le phénomène se situe près du continent Antarctique, dans les mers de Weddell et de Ross.

Suivons le trajet des masses d’eau qui plongent près du Groenland et, après un long voyage dans les abysses, remontent à la surface dans le Pacifique Nord. Elles entreprennent ensuite un long périple à travers le détroit indonésien, puis le courant des Aiguilles (près du cap de Bonne-Espérance en Afrique du Sud) et arrivent enfin au Gulf Stream et à la dérive nord atlantique pour rejoindre leur point de départ. Mais la distribution d’énergie est très différente entre les deux grands bassins. L’océan Pacifique apporte ainsi de l’énergie symétriquement vers les deux pôles, tandis que l’Atlantique transporte de l’énergie uniquement de l’équateur aux hautes latitudes de l’hémisphère Nord. Lorsque cette gigantesque courroie de transmission océanique est rompue, ou sérieusement altérée, cela entraîne des variations climatiques régionales très fortes.

Cette circulation a en effet un talon d’Achille : la formation en surface des eaux denses qui s’enfoncent dans les profondeurs. Elles se forment dans des zones très petites au regard de la superficie océanique. Dans l’océan Atlantique et dans l’océan Austral, près de la zone de formation, la banquise rejette du sel dans l’eau lorsque celle-ci prend en glace, ce qui procure des conditions favorables à la formation d’eaux profondes. Mais ces zones sont vulnérables. Elles se situent non loin des calottes glaciaires qui peuvent relarguer des quantités importantes d’eau douce et inhiber la formation d’eau profonde (l’eau douce est moins dense que l’eau salée). C’est ce qui s’est passé pendant les ères glaciaires. Périodiquement, les grosses calottes qui couvraient le nord du continent américain ou de l’Europe se purgeaient et formaient sur l’océan Atlantique des milliers d’icebergs. Cet apport d’eau douce diminuait la densité des eaux de surface et rompait la circulation océanique, ce qui se traduisait par un changement climatique régional très fort et encore perceptible en Asie et jusqu’à l’océan Austral.

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