Existe-t-il d’autres « bombes à retardement climatiques » ?

Les zones gelées en permanence ou seulement une partie de l’année, surtout situées en Sibérie, mais également au Canada, contiennent de grandes quantités de carbone piégées par le froid. Or, sous l’effet du réchauffement climatique, ces sols se dégèlent. Cela se traduit par de spectaculaires effondrements de maisons en Sibérie du fait que le sol gelé et dur se transforme en terre gorgée d’eau. Moins spectaculaire mais plus inquiétant, ce dégel provoque la libération d’importantes quantités de dioxyde de carbone et de méthane. Cet effet indirect de l’élévation des températures vient sérieusement amplifier le réchauffement initial. Les quantités émises sont considérables. Le méthane dégazé qui s’oxydera rapidement en CO2 pourrait ainsi accélérer le réchauffement global.

Un réservoir de méthane bien plus important encore est stocké dans des marges océaniques situées à environ 600 à 800 mètres de profondeur sous forme de clathrates, des molécules d’hydrate de méthane qui se présentent comme des gels. Or, ces molécules peuvent changer de phase – passer de l’état solide à l’état gazeux – si elles subissent un réchauffement de quelques degrés ou une baisse de pression, c’est-à-dire si le niveau marin s’abaisse de plusieurs dizaines de mètres. Ce processus libère le méthane sous forme de gaz. Au vu des énormes quantités de méthane stockées, cela constitue une véritable bombe à retardement. Heureusement, même dans l’hypothèse d’une accélération de la montée des températures d’ici la fin du siècle, leur déstabilisation nécessiterait un réchauffement important en profondeur et comme ce dernier s’accompagnerait d’une hausse du niveau marin, cela contrecarrerait l’effet déstabilisateur des températures.

Ces réservoirs sont donc très stables au regard des changements climatiques. Au dernier maximum glaciaire, il y a 21 000 ans, lorsque le climat était bien plus froid, le niveau de la mer était de 120 mètres plus bas qu’aujourd’hui. La pression exercée sur les réserves de clathrates était donc plus faible, mais les températures océaniques aussi, ce qui préservait ces réservoirs d’une déstabilisation dévastatrice. Par contre, un événement de réchauffement global très important et brutal s’est produit à la limite Paléocène/Éocène, il y a 55 millions d’années. Il pourrait être lié à un dégazage de clathrates provoqué par une brusque élévation des températures puisque le niveau marin ne pouvait pas remonter en l’absence de calottes de glace qui auraient pu fondre lors de cet épisode. Même si, dans l’histoire récente du climat et de la Terre, il n’y a pas de preuve de tels dégazages de méthane issus des réservoirs océaniques, une telle menace reste à évaluer pour l’avenir.

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