Que révèlent les prospectives énergétiques ?

Les études prospectives des spécialistes et de l’AIE montrent que les décideurs économiques et politiques n’ont pas du tout intégré les scénarios permettant d’éviter de dépasser les 2 °C dans leurs actions actuelles.

Par exemple, il est possible de calculer quelles sont et seront les émissions de CO2 de toutes les usines et centrales électriques à combustibles fossiles existantes, en construction et annoncées, avec des hypothèses réalistes sur leur durée de vie technique. C’est ce qu’a fait une équipe américano-chinoise pour une étude publiée dans Nature début juillet 2019. Elle est partie d’un postulat très raisonnable sur la longévité des infrastructures, qui débouche sur l’émission d’environ 650 milliards de tonnes de CO2 pour celles qui sont déjà en fonctionnement, dont plus de la moitié pour le secteur de l’électricité. Il faut y ajouter environ 180 milliards de tonnes de dioxyde de carbone pour les seules centrales électriques en construction ou dont le projet est autorisé ou planifié. Or, ces émissions – bien loin de totaliser l’ensemble des émissions de gaz à effet de serre de l’humanité – représentent le double de celles qui nous conduisent à un réchauffement de 1,5 °C. Et les deux tiers de celles qui nous mènent aux 2 °C. Cela signifie que si ces décisions de construction ne sont pas annulées dans les années à venir, l’objectif des 2 °C ne pourra pas être tenu.

Un autre exemple de prospective énergétique révélant que l’impératif climatique n’est pas intégré dans les décisions économiques et politiques se lit dans les documents publiés par l’Administration pour l’énergie du gouvernement américain (EIA). Les perspectives énergétiques des États-Unis à l’horizon 2040 y révèlent en effet une poursuite presque à l’identique de la structure en énergies actuelle. Avec une domination écrasante des fossiles, charbon, gaz et pétrole, même si on observe un remplacement partiel du premier par le second pour l’électricité. L’EIA prévoit ainsi que la production de pétrole des États-Unis se stabilise à 10 millions de barils par jour jusqu’en 2040… au moins. Pour le monde entier, elle annonce une consommation d’énergie totale en hausse de 28 % d’ici 2040, avec une légère augmentation pour le pétrole, un accroissement vigoureux pour le gaz et une stagnation pour le charbon (les renouvelables doublent et le nucléaire se développe légèrement). Une telle perspective enfonce complètement l’objectif climatique des 2 °C d’élévation de la température moyenne planétaire.

Il existe bien sûr des scénarios énergétiques alternatifs, qui cherchent les voies d’une décarbonation profonde de l’industrie et de l’économie conduisant à des émissions nettes nulles (c’est-à-dire similaires à la capacité des puits de carbone naturels) dans la seconde moitié du XXIe siècle. Comme celui publié en avril 2019 par une équipe internationale. Ou les rapports de l’AIE. Mais, tant que ces scénarios ne se traduisent pas par des plans et des décisions politiques, ils demeurent des vœux pieux.

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