Des changements sont désormais inéluctables, induits par le réchauffement climatique déjà survenu et celui, d’au moins 0,5 °C de plus que les températures actuelles, qui ne peut plus être évité. L’adaptation ne s’oppose donc pas à la mise en œuvre d’actions pour limiter le changement par la maîtrise des émissions de gaz à effet de serre. Elle sera nécessaire dans tous les cas. Mais elle ne serait suffisante à elle seule que si elle se révélait capable de nous éviter la plupart des conséquences négatives des bouleversements climatiques.
Or, un autre des résultats majeurs de toutes ces études d’impact est que l’intensité des risques croît de manière disproportionnée avec l’élévation de la température. Si passer de 1,5 °C à 2 °C de réchauffement augmente les risques, passer de 2 °C à 2,5 °C provoque un choc démultiplié, et ainsi de suite. Chaque demi-degré évité est important, et les risques encourus se multiplient au fur et à mesure que l’on grimpe sur l’échelle du thermomètre. Les rapports du GIEC insistent sur ce point et annoncent que les risques deviendront ingérables – car l’adaptation devient impossible – si les trajectoires des émissions de gaz à effet de serre nous entraînent vers des hausses de 4 °C à 6 °C.
S’adapter suppose d’anticiper, une question technique mais surtout politique. En France, sous l’impulsion de l’Inrae, des études de terrain sont déjà conduites pour déterminer quels seront les meilleurs cépages à planter dans le vignoble bordelais en prévision du climat de la seconde moitié du siècle. Les généticiens travaillent à sélectionner des plantes plus résistantes à la sécheresse et aux températures élevées. L’Office national des forêts a lancé le projet Giono depuis 2011 et, par exemple, récupéré des graines de la forêt de la Sainte-Baume, près de Marseille, pour les planter à Verdun, dans la Meuse. Dans les services techniques des grandes villes, on expérimente des solutions pour refroidir les bâtiments avec la végétalisation des toits, on invente des revêtements de la voirie résistant aux canicules, on décide d’installer plus d’arbres dans les rues. L’arrivée des moustiques tropicaux, vecteurs de maladies, est contrecarrée par des actions de protection et son effet sanitaire est diminué par la prévention et le soin rapide et efficace. Mais tout cela n’est possible qu’avec des systèmes politiques capables d’anticiper bien au-delà des urgences du moment et de la durée des mandats électoraux.
Dans les pays pauvres, les faibles capacités financières et techniques se doublent souvent de systèmes politiques peu à même de prévoir les transformations nécessaires à long terme. Populations et dirigeants sont mobilisés en priorité par les urgences sociales et économiques, lorsque ce ne sont pas des tensions politiques ou militaires – pensons aux crises et guerres de Syrie, du Mali, d’Irak, de Somalie – qui rendent pratiquement impossible toute action préventive de long terme. Aucun pays du Sahel ne dispose de recherche agronomique autonome sur les plantes alimentaires (sorgho, niebé, mil, riz africain) spécifiques de son climat ou importées afin de sélectionner des semences adaptées au climat futur. Les grands travaux de protection contre la hausse du niveau marin dépendent des capacités financières et organisationnelles des États. Si la diminution des précipitations va frapper tout le pourtour du bassin méditerranéen, la France est mieux armée que l’Algérie ou le Maroc pour y faire face.