Les océans se transformeront sous le double effet du réchauffement climatique des eaux et de leur acidification. Les conséquences en seront majeures pour les ressources alimentaires, comme la pêche et l’aquaculture, déjà menacées par la surexploitation des stocks de poissons et par les pollutions. Les océanographes sont encore peu capables d’étudier les synergies entre ces différentes menaces et l’effet de leurs actions conjuguées.
La transformation de la base de la chaîne alimentaire océanique, le phytoplancton, est inéluctable avec le réchauffement des eaux. Mais aucun biologiste ne s’aventurerait à faire une prédiction de cette évolution… à part la migration des espèces tropicales vers des latitudes plus élevées. Des études montrent toutefois que le phytoplancton de grande taille est souvent remplacé par des espèces plus petites.
L’acidification est une conséquence inévitable de l’augmentation de la teneur en CO2 de l’atmosphère. Elle se traduit par une absorption d’une partie de ce carbone par l’eau, et donc par une modification de son pH, le « potentiel hydrogène », qui mesure l’activité chimique des ions hydrogène. Le pH va diminuer (l’eau sera plus acide et moins basique). Les conséquences biologiques de ce phénomène sont encore très peu comprises. Nombre d’espèces utilisant le carbone de l’eau pour fabriquer leurs coquilles ou leurs squelettes (mollusques – huîtres et moules – et coraux) voient leurs capacités à le faire diminuer avec l’augmentation de l’acidité. Tandis que d’autres, comme les crépidules (escargots de mer), ne présentent pas de vulnérabilité. Pour le phytoplancton fabriquant un squelette de calcaire, les coccolithophores notamment, les études se contredisent. Si les espèces côtières semblent capables de s’adapter à de fortes variations du pH et de la teneur en CO2, les espèces de haute mer, habituées à des environnements plus stables, semblent plus vulnérables.
Les populations de poissons réagiront elles aussi au réchauffement. Ainsi, des espèces tropicales envahissent progressivement la Méditerranée en empruntant le canal de Suez. Le poisson-lion, originaire des eaux chaudes du Pacifique Sud et de l’océan Indien, gagne la Méditerranée ou les côtes de Floride et des Caraïbes où il fait des ravages. Le réchauffement de l’Arctique transformera lui aussi profondément son écosystème. Il est difficile de savoir si le changement climatique entraînera la baisse des stocks de poissons utilisables pour l’alimentation, même si les biologistes marins prévoient une augmentation en hautes latitudes et une diminution dans les mers chaudes. Mais le climat n’est pas seul en cause : la surpêche joue également un rôle prépondérant dans ce phénomène. Ainsi, les prises mondiales de poissons ont culminé en 1996 avec 86,4 millions de tonnes pour descendre à 80 millions aujourd’hui. Seule l’aquaculture marine, avec 20 millions de tonnes environ, a permis d’accroître l’apport alimentaire des océans. L’enjeu n’est pas seulement alimentaire, mais aussi économique. Plus de 47 millions d’emplois sont en effet générés par la pêche et le traitement des prises, en particulier dans les pays en développement.
La pollution des eaux par des fertilisants agricoles provoque par ailleurs la formation de « zones de la mort » – par la disparition de l’oxygène, captée par les bactéries qui se nourrissent de la décomposition des algues. Le nombre et l’étendue de ces espaces où ne peuvent vivre toutes les espèces qui ont besoin d’oxygène ont déjà commencé à augmenter.
Au total, les dégâts actuels et les menaces futures sur les populations marines signifient que, dans le futur, les océans ne pourront pas contribuer plus qu’aujourd’hui, voire moins, à la sécurité alimentaire d’une population mondiale en croissance.