Le prix Nobel de la paix du GIEC est-il justifié ?

En octobre 2007, le GIEC fut récipiendaire (avec l’ex-vice-président américain Al Gore) du prix Nobel de la paix. Cette récompense peut sembler étrange, puisqu’il n’est pas vraiment un acteur politique ou humanitaire en faveur de la paix entre nations. Toutefois, une remarque de l’un des rédacteurs du résumé pour décideurs du rapport 2014, le climatologue Hervé Le Treut, éclaire cette décision. Il s’interrogeait en ces termes : « Comment allons-nous pouvoir vivre ensemble, en paix, sur une planète transformée par le changement climatique ? »

Le changement climatique va en effet influencer les relations internationales. La très forte inégalité entre pays en matière de responsabilités dans les émissions de gaz à effet de serre et de vulnérabilité aux changements climatiques peut provoquer des tensions susceptibles de dégénérer. Principales victimes, et pourtant parmi les moins responsables, les populations des pays pauvres pourraient entretenir une colère compréhensible vis-à-vis des pays riches. Cette colère est susceptible de s’exprimer violemment par des États réclamant des dédommagements, en particulier après des événements extrêmes que le réchauffement aura amplifiés. Mais aussi par le biais d’organisations aux moyens plus limités mais dont les crimes terroristes montrent qu’ils peuvent provoquer d’immenses malheurs.

Certaines conséquences régionales des changements climatiques sont également susceptibles de provoquer des violences entre populations et pays. La montée des eaux peut provoquer des migrations massives puisqu’un mètre de hausse du niveau marin touchera entre 200 et 400 millions de personnes vivant sur les côtes basses, les deltas, les îles basses. Des zones déjà sensibles comme le delta du Nil pourraient être le lieu de conflits pour les terres, ou de départs massifs incontrôlés. La lutte pour l’accès à l’eau, pour l’agriculture ou la consommation humaine, fait partie des éléments déclencheurs, comme on le voit au Proche-Orient, dans le conflit israélo-palestinien. Des sécheresses provoquant des disettes ont déjà entraîné des migrations en nombre ; elles pourraient déclencher des conflits frontaliers, ou entre populations. Déjà au Sahel, des migrations forcées d’éleveurs à la recherche de nouveaux pâturages provoquent des heurts avec des populations de cultivateurs

Par ailleurs, plus les ressources fossiles seront utilisées sans restriction – et donc plus le changement climatique sera rapide et violent – et plus ces mêmes ressources s’épuiseront à un rythme élevé. Or, les conflits des vingt dernières années au Moyen-Orient nous prouvent que nombre d’États sont prêts à employer les armes pour s’assurer un accès au pétrole. Dans un contexte où il se raréfie, cette motivation va se renforcer. Conduire une politique climatique visant à diminuer les émissions de CO2, et donc l’utilisation du pétrole, ne peut qu’être positif et atténuer des tensions déjà très importantes. Le prix Nobel de la paix du GIEC est donc entièrement justifié.

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