Les entreprises qui produisent et commercialisent le gaz naturel le présentent souvent comme une énergie propre. Cette publicité est en grande partie fausse et joue sur le différentiel en faveur du gaz relativement au charbon. Il est vrai que la combustion du premier dégage beaucoup moins de particules nocives pour la santé que celle du second (soufre, métaux, particules fines). Pour une même quantité d’énergie obtenue (en chaleur ou en électricité), l’émission de CO2 est elle aussi moindre – environ 450 g/kWh pour le gaz contre environ 900 g/kWh pour le charbon. De sorte que, lorsque l’on remplace le charbon par le gaz dans un système technique – industrie, chauffage, centrale électrique –, le gain est immédiat et sensible. La diminution des émissions de dioxyde de carbone des États-Unis ou de la Grande-Bretagne ces dernières années est directement imputable au basculement de leurs systèmes électriques du charbon vers le gaz. Lorsque c’est possible, tout transfert du charbon vers le gaz peut donc constituer un moyen efficace pour réduire les émissions de gaz à effet de serre d’un pays ou d’une industrie. À cet égard, le système électrique allemand, en favorisant le lignite et le charbon plutôt que le gaz ces dernières années, uniquement pour un gain de quelques centimes au kWh, a fait preuve d’une irresponsabilité regrettable.
Toutefois, cette présentation des avantages du gaz naturel s’évanouit dès lors que l’on s’interroge sur les systèmes profondément décarbonés dont nous avons besoin pour parvenir aux objectifs climatiques de la Convention. Les très grandes réserves de gaz disponibles, pour des coûts de revient assez bas, en font un combustible attractif pour plusieurs décennies au rythme actuel de notre consommation. En croissance vigoureuse avec + 4 % en 2017 relativement à 2016, le gaz a représenté 45 % de l’augmentation de l’énergie mondiale en 2018. Les émissions de CO2 dues au gaz se sont en conséquence elles aussi envolées. En outre, il faut tenir compte des fuites de méthane – un gaz à effet de serre 18 fois plus puissant que le CO2 – lors des opérations d’extraction et de transport. La hausse de la teneur en méthane de l’atmosphère depuis 2008 est en grande partie attribuée aux émissions dues à l’extraction du gaz dit « de schiste », dues aux fuites mais aussi aux relâchements volontaires liés aux techniques utilisées.
Le recours au gaz peut donc se justifier dès lors qu’il se substitue au charbon, voire au pétrole, pour obtenir une diminution immédiate des émissions de CO2 et pour la santé publique. En revanche, s’il vient s’y ajouter sans fermeture de centrales à charbon, par exemple, le gain annoncé est inexistant. Dans les visions de long terme, il convient de traiter le gaz comme le charbon et le pétrole puisque l’objectif climatique des 2 °C de réchauffement planétaire à ne pas dépasser suppose une baisse de 80 % des émissions de CO2 dues à l’énergie. Une approche raisonnable consisterait donc à dire que le gaz est la dernière des trois énergies fossiles à devoir s’effacer (le gaz pourrait aussi être une source de carburant non carboné, l’hydrogène. Il serait obtenu en séparant et en stockant le carbone de la molécule de méthane. L’hydrogène restant devient alors utilisable pour un moteur n’émettant pas de CO2. L’hydrogène peut également être obtenu en hydrolysant l’eau avec de l’électricité mais ces deux processus consomment beaucoup d’énergie qu’il faut produire).