L’agriculture et les forêts peuvent-elles limiter le changement climatique ?

L’agriculture joue un double rôle dans le futur climatique de la planète. Elle fait partie des émetteurs de gaz à effet de serre, mais aussi des possibilités à exploiter pour stocker du carbone dans le sol.

Côté émissions, l’agriculture est responsable de près de 25 % du total des émissions anthropiques. Chaque fois qu’un agriculteur utilise des moteurs ou équipements alimentés en carburant pétrolier (tracteurs, camions, machines agricoles, serres chauffées, pompes, bâtiments…), il émet du CO2. Mais l’essentiel des émissions provient de facteurs directement liés aux productions elles-mêmes, qui dégagent du méthane et du protoxyde d’azote. Les cheptels de ruminants sont à l’origine d’émanations de méthane dues à la fermentation entérique (dans le système digestif de l’animal), qui constituent le principal apport de gaz à effet de serre de l’agriculture. Or, ces troupeaux sont en pleine croissance en raison de l’augmentation du nombre d’êtres humains à nourrir, mais aussi parce que les populations qui sortent de la pauvreté consomment davantage de viande. Il faut y ajouter les émissions des rizières, du fumier utilisé comme engrais, des engrais de synthèse…

Mais des méthodes peuvent être utilisées pour provoquer la capture et le stockage de carbone dans le sol via l’agriculture. En théorie, le potentiel en est énorme. Ainsi, les agronomes de l’Inra ont calculé qu’en augmentant le taux de stockage du carbone actuel de 4 pour 1 000 sur 0 à 30 centimètres des sols mondiaux, on compenserait l’ensemble des émissions de la planète. Mais il y a très loin de ce calcul théorique à la pratique. Ainsi, pour les sols de la France métropolitaine, il serait possible de développer neuf pratiques. Pour les grandes cultures, ce sont l’extension des cultures intermédiaires entre deux récoltes, du semis direct sans labour, de nouvelles ressources organiques pour l’engrais, des prairies temporaires plus étendues et plus durables, l’agroforesterie qui consiste à planter des arbres à intervalles réguliers dans les champs et des haies en limite de parcelles. Pour les prairies permanentes, c’est l’intensification modérée par apport d’engrais et le remplacement de la fauche par le pâturage. Pour les vignobles, il faudrait laisser de l’herbe entre les rangs. Les agronomes ont calculé que la mise en œuvre de ces pratiques sur le territoire français, sans modification de l’occupation des sols, permettrait un stockage additionnel annuel de carbone de 1,9 ‰.

Planter des arbres peut aussi contribuer à stocker du carbone pour une durée plus ou moins longue suivant le devenir de ces arbres, vivants ou abattus, et du sol où ils poussent. Mais quel en est le véritable potentiel climatique ? Une étude de chercheurs de l’École polytechnique fédérale de Zürich, de la FAO et du Cirad a examiné le potentiel d’une expansion des zones forestières ou de la densification de leurs peuplements durant tout le XXIe siècle sur près d’un milliard d’hectares de sols aujourd’hui non utilisés par les hommes, soit environ la surface des États-Unis d’Amérique. Sur cette surface pousseraient environ 500 milliards d’arbres (on en compte environ 3 000 milliards actuellement sur la planète). Le potentiel le plus important se trouve dans six pays : Russie (151 millions d’hectares) ; États-Unis (103 millions d’hectares) ; Canada (78,4 millions d’hectares) ; Australie (58 millions d’hectares) ; Brésil (49,7 millions d’hectares) et Chine (40,2 millions d’hectares). Une telle opération, titanesque, ne permettrait toutefois que de gagner du temps pour la réduction des émissions de carbone fossile, soulignent les auteurs de l’étude. Tandis que d’autres scientifiques ont vigoureusement contesté le calcul, l’estimant exagéré d’un facteur cinq. En effet, transformer en forêts des espaces de savanes, de tourbières ou de steppes aurait des effets négatifs sur le stockage du carbone dans les sols. En outre, des forêts de conifères envisagées aux hautes latitudes et en montagne captent beaucoup mieux l’énergie solaire que des sols nus ou en herbe, ce qui augmente les températures.

Pacte pour le Climat
Newsletter Pacte pour le Climat