Si une partie de la population mondiale souffre de trop manger, près de 800 millions de personnes souffrent de la faim. Le changement climatique menace d’augmenter le péril alimentaire par son effet sur nombre de productions végétales, alors que la croissance démographique prévue – plus de 9 milliards d’êtres humains en 2050 contre 7,67 en 2017 (selon l’Institut national d’études démographiques) – suppose à l’inverse une augmentation importante des productions agricoles, surtout dans les pays d’Afrique, d’Asie du Sud-Est, en Inde et en Amérique latine. Or, selon les agronomes, l’impact du changement climatique sera globalement négatif, surtout au-delà de 2 °C de réchauffement climatique.
Les principales céréales – blé, riz, maïs, orge, sorgho – mais aussi d’autres cultures de légumes et fruits subiront directement les effets des hausses de températures et des changements de pluviométries. Les cycles naturels sont déjà modifiés avec l’avancement des récoltes (blé, raisin) qui sont mûres plus tôt. Certains de ces bouleversements sont néfastes aux cultures. Le raccourcissement de la période de croissance des grains, dû aux températures trop élevées, diminuera les rendements, surtout si une sécheresse survient au printemps. Des hivers trop doux favoriseront la pullulation de certains ravageurs comme les insectes, les champignons pathogènes et les virus végétaux, tandis que d’autres seront défavorisés (moins de mildiou sur les vignes). Quant à la production de lait des vaches ou à l’engraissement des porcs, ils diminuent lorsque les températures s’élèvent au-delà de la zone de confort de ces animaux.
Des sécheresses récentes ont montré que leur multiplication est susceptible de faire chuter brusquement les productions de céréales. Ainsi, lors de la canicule de l’été 2003 en Europe de l’Ouest, la production de blé a diminué de 20 % par rapport à l’année précédente. La sécheresse en Espagne et Portugal en 2004 et 2005 a fait décroître de 40 % la récolte de céréales. L’été trop sec de 2010 a provoqué une baisse de la production de blé en Russie : environ 65 millions de tonnes contre presque 100 millions en 2009. Cet effondrement a entraîné une flambée des cours mondiaux du blé en raison d’un quasi-arrêt des exportations russes. En France, en 2015, la sécheresse estivale avait fait chuter de 28 % sur un an la production de maïs, une plante très exigeante en eau pour sa croissance. Lors de l’épisode caniculaire de fin juin 2019 dans le Languedoc, des vignes ont littéralement grillé sous l’intensité de la chaleur qui a battu alors tous les records connus.
Dans les pays les plus menacés actuellement par la pénurie alimentaire, les rendements sont souvent assez bas, et il sera donc possible de contrecarrer les effets négatifs du changement climatique par l’adoption de techniques plus productives. Mais de nombreuses régions se heurteront au manque d’eau (sud de la Méditerranée, Moyen-Orient) ou à l’effet encore mal compris du changement climatique sur les moussons africaines et asiatiques. Enfin, la disparition progressive de nombreux glaciers de montagne augmentera d’abord, puis diminuera les débits de cours d’eau précieux pour l’agriculture (plateau tibétain, Andes) durant le printemps et l’été.
Les agronomes ont tenu compte dans leurs analyses de facteurs positifs du changement climatique pour la production alimentaire. Les plantes cultivées, notamment celles à feuilles comme le maïs ou les arbres fruitiers, seront ainsi dopées par l’augmentation de la teneur en CO2 de l’air puisqu’elles croissent grâce à la photosynthèse qui utilise ce carbone pour fabriquer la matière végétale… mais cet effet avantageux suppose souvent une consommation d’eau supérieure. En outre, des zones aujourd’hui peu favorables à l’agriculture, comme la Sibérie et le Canada, seront plus hospitalières pour la culture du blé avec leur réchauffement, mais elles sont peu peuplées, alors que les experts recommandent de viser l’autosuffisance alimentaire. Ces avantages indéniables ne compenseront donc pas les effets négatifs du changement climatique.