La mousson africaine disparaîtra-t-elle ?

Cette question illustre une notion cruciale pour la mesure des risques climatiques : l’incertitude. En effet, les climatologues ne savent pas répondre aujourd’hui à cette question. En principe, on connaît bien le mécanisme de la mousson africaine pour l’ouest du continent (l’eau s’évapore sur l’Atlantique, puis tombe sur les côtes, elle s’évapore à nouveau en partie et repart vers le nord et l’est). Il fait appel à une physique connue, à l’œuvre dans le climat régional. Mais cette connaissance se révèle insuffisante lorsqu’elle est modélisée et simulée par les ordinateurs pour répondre à notre question, puisque la moitié environ des modèles prévoit un affaiblissement de la mousson dans un climat réchauffé tandis que l’autre simule un renforcement des pluies estivales. L’incertitude ne porte donc pas sur l’intensité du phénomène mais, ce qui est bien pire, sur le sens de son évolution.

Tant que cette incertitude scientifique demeure, les climatologues ne peuvent pas conseiller les populations et les gouvernements du Sahel. Si la mousson devait se renforcer, et donc entraîner des pluies plus régulières et plus fortes sur les régions actuellement cultivées – au Sénégal, Mali, Burkina-Faso, Niger, Tchad, etc. –, il serait possible d’envisager le maintien des populations et le développement des productions agricoles. Mais si elle devait s’affaiblir, nombre d’efforts seraient annihilés par ces nouvelles conditions climatiques durablement plus sèches. Dans ce cas, qui représente une perspective terrible pour cette région parmi les plus pauvres du monde, la prudence serait probablement de mise avec l’organisation préventive d’une migration massive – mais vers où ? – de populations entières, dont les territoires agricoles seraient promis à une désertification irrémédiable.

L’une des causes de cette incertitude relève de l’action de l’homme sur les forêts côtières de la zone, par laquelle arrivent les vents chargés de l’humidité prélevée en Atlantique. En Côte d’Ivoire par exemple. Car les climatologues ont compris que la présence de ces forêts joue un rôle décisif dans la mousson. L’eau des océans portée par les nuages ne pénètre pas directement à l’intérieur du continent. Une fois tombée sur les côtes, elle s’évapore puis repart vers le nord et l’est. Il faut en effet, pour que l’eau atlantique tombée sur les côtes s’évapore et puisse repartir vers le nord et l’est, que des forêts denses captent cette eau de pluie et la stockent assez longtemps afin qu’elle puisse à nouveau s’évaporer au lieu de pénétrer dans le sol ou de ruisseler rapidement vers l’océan. Un processus qui doit se répéter plusieurs fois vers le nord et l’est si l’on veut que les territoires situés à l’intérieur du Sahel reçoivent de l’eau de pluie.

Pour sortir de cette incertitude, de nombreux programmes de recherche auxquels participent des équipes françaises sont en cours.

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