Y a-t-il eu de graves accidents climatiques ?

La Terre a généralement conservé des températures et un cycle hydrologique compatibles avec l’eau liquide, donc avec la vie, et a connu de longues périodes stables.

Néanmoins, par deux fois, elle a subi un englacement majeur. La première crise remonte à l’apparition de l’oxygène voici 2,2 à 2,4 milliards d’années et correspond à une glaciation massive. Cette coïncidence peut paraître paradoxale, car l’oxygène n’étant pas un gaz à effet de serre, il ne peut pas directement perturber le bilan radiatif de la Terre. Mais il s’est indirectement attaqué au méthane, un puissant gaz à effet de serre produit par des archées méthanogènes (des êtres unicellulaires comme les bactéries) qui proliféraient à la surface de l’océan. Or, l’oxygène, même à faible dose, est un poison pour ces archées. Lorsque son taux a augmenté, en raison de sa production par l’essor de la photosynthèse du plancton, l’oxygène a provoqué une destruction massive des archées méthanogènes. D’où une chute de la teneur en méthane, donc de l’effet de serre, et un refroidissement marqué. Mais cette première glaciation dépasse nos capacités de modélisation de l’histoire du climat. Nous ne connaissons en effet la distribution des continents et des océans que jusqu’à 1,5 milliard d’années environ, un horizon temporel au-delà duquel la position des continents devient incertaine.

La seconde crise majeure est beaucoup plus proche de nous. Elle se situe entre 800 et 600 millions d’années. Nous connaissons le visage de la Terre à cette période et pouvons donc modéliser son climat. À cette époque, le supercontinent Rhodinia s’est fragmenté en plusieurs plaques restées en zone tropicale. Cette configuration paléogéographique s’est traduite par une érosion maximale, qui a très fortement diminué le taux de CO2 atmosphérique. Cette ère porte les noms de Néoprotérozoïque, ou, plus évocateur, de Cryogénien.

Au début des années 1960, Walter Brian Harland, un géologue anglais, découvre des indices de glaciation sur d’immenses surfaces qui, au Néoprotérozoïque, se trouvaient à l’équateur. Il émet donc l’hypothèse que s’il y a eu des calottes de glace à l’équateur, zone la plus chaude de la planète, c’est que la Terre a pu être complètement englacée. Une théorie très surprenante qui, en pleine guerre froide, mobilise les meilleurs modélisateurs du climat tant à l’Est qu’à l’Ouest. Ils la réfutent avec un argument, semble-t-il, imparable. En effet, si la Terre était devenue une boule de glace, son albédo n’aurait pas été comme aujourd’hui de 0,3, mais aurait bondi vers 0,8 et la plus grande partie de l’énergie solaire aurait été directement réfléchie vers l’espace, condamnant la Terre à une impasse glacée. Pour disposer de l’énergie suffisante pour décongeler la planète, il faudrait augmenter l’énergie solaire d’un facteur 1,5 durant les 700 millions d’années qui se sont déroulées depuis. Or, elle n’augmente que de 7 % par milliards d’années. Ainsi, si la Terre avait été totalement englacée il y a 700 millions d’années, elle le serait encore, argumentent les modélisateurs.

Il faudra trente ans pour qu’une explication émerge. Un autre processus permet de sortir de cette glaciation globale en quelques millions d’années : le volcanisme. Lorsque la Terre est transformée en boule de neige, le CO2 émis par les volcans s’accumule dans l’atmosphère puisque neige et glace lui barrent le chemin d’un recyclage dans les océans ou les continents. Petit à petit, il est stocké dans l’atmosphère et l’effet de serre devient de plus en plus intense, au point de la réchauffer suffisamment pour déclencher une grande débâcle et la déglaciation de la Terre. La survenue d’une glaciation totale est donc rarissime – elle exige une configuration spécifique des continents – et instable à l’échelle géologique.

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