Un modèle de climat, c’est une représentation par des outils mathématiques du système climatique de la Terre. Des outils dont le niveau de complexité couvre un large spectre. Il peut s’agir d’équations calculables à la main, tenant sur une page si l’on se contente d’une représentation grossière du système : l’énergie solaire qui arrive sur Terre, sa réflexion, l’effet de serre. On peut ainsi chiffrer simplement la température de la Terre, assimilée à un objet ponctuel, en s’appuyant sur une équation de bilan énergétique entre rayonnement solaire reçu et infrarouge réémis. Mais si l’objectif est d’étudier l’avenir climatique du bassin méditerranéen d’ici la fin du siècle ou de déterminer à quel point la mer va monter d’ici 2100, les modèles doivent incorporer la physique et la dynamique des deux fluides transportant l’énergie – l’atmosphère et l’océan –, ainsi qu’une très bonne représentation de l’apport d’eau douce pour le bassin méditerranéen et une bonne représentation de la cryosphère pour la prévision du niveau marin. Quant aux modèles actuels utilisés pour simuler l’évolution du climat planétaire sur un siècle, ce sont d’énormes codes de calcul de dizaines de milliers de lignes, que des supercalculateurs doivent « mouliner » pendant des centaines d’heures.
On distingue trois grandes catégories de modèles climatiques planétaires.
Les plus sophistiqués représentent sous forme d’équations les principaux processus agissant dans chaque composante du système climatique, la physique, la chimie et la dynamique des deux fluides (océan et atmosphère) qui répartissent le surplus d’énergie reçue à l’équateur vers les pôles, ainsi que les interactions avec la biosphère et la cryosphère. La modélisation des différentes composantes du système climatique est développée par des laboratoires spécialisés – l’un s’occupe de l’océan, l’autre de l’atmosphère, un troisième de la cryosphère, un autre de la végétation… – puis les rétroactions entre ces composantes sont ajoutées. Cette dernière opération est baptisée « couplage des modèles » par les spécialistes. À partir de ces algorithmes, le modèle calcule l’évolution des principaux paramètres climatiques sur une grille qui divise la surface du globe en cases (ou mailles), ainsi que l’atmosphère et l’océan qui sont de surcroît fractionnés en trente à cent couches verticales. La taille de ces mailles a pu diminuer avec la capacité de calcul des ordinateurs. En 1990, elle était de 500 kilomètres de côté, soit quatre valeurs (de température par exemple) pour toute la France et des reliefs très mal représentés. Elles peuvent être aujourd’hui de quelques dizaines de kilomètres seulement, mais les climatologues ont la possibilité d’utiliser une taille plus grande s’ils veulent un calcul plus rapide ou disposer d’un plus grand nombre de simulations. Pourtant, même les mailles de quelques dizaines de kilomètres sont encore trop vastes pour décrire les processus agissant à plus petite dimension, comme la microphysique des nuages ou les tourbillons des océans. Pour y suppléer, les modélisateurs ont développé des lois empiriques, basées sur les observations, qui sont incorporées aux modèles. Les grandeurs climatiques fondamentales, comme la température, la précipitation, l’évaporation, les vents ou la pression, sont calculées avec un pas de temps variable – d’environ un quart d’heure – pour chaque maille de la grille. Il s’agit donc d’une valeur moyenne pour le volume d’espace représenté par la maille. De même, pour l’océan, le modèle calcule la température, la salinité, la densité, les courants de surface et les grands mouvements des masses d’eaux. Plus le modèle est sophistiqué et intègre de nouveaux processus, plus les mailles sont petites, et plus il est « gourmand » en puissance et en temps de calcul. Seuls les plus performants des supercalculateurs sont capables de réaliser en un temps raisonnable les simulations de l’évolution du climat sur un siècle qu’utilisent les modèles sophistiqués.
Malgré l’augmentation des performances des supercalculateurs, la nécessité d’intégrer toujours plus de constituants et de processus limite le nombre de simulations que ce type de modèle peut effectuer. On utilise donc aussi des modèles plus simples, capables d’explorer beaucoup de trajectoires possibles. Ces modèles baptisés « modèles de complexité intermédiaire » ont des constituants simplifiés par rapport aux précédents. Par exemple, l’atmosphère peut être moins bien décrite (la couverture de nuages est fixée, les gradients verticaux de température ou d’humidité sont paramétrés et non calculés) ou l’océan représenté par seulement deux dimensions, latitude et profondeur. Pour un certain nombre de transitions climatiques du passé, ces modèles ont fait la preuve de leur efficacité.
Enfin, il existe des modèles encore plus simples dits « conceptuels » qui, comme leur nom l’indique, sont élaborés pour tester une idée ou l’effet d’un processus à très long terme.