À l’échelle de l’histoire du climat des dernières dizaines de millions d’années, notre climat est… froid. Cela peut surprendre, puisque nous vivons une ère interglaciaire, donc chaude au regard des alternances climatiques des deux derniers millions d’années. Mais si l’on étend le regard sur une durée plus longue, l’évolution climatique prend une autre allure. En effet, notre planète était nettement plus chaude à l’Éocène qui s’étend de 55 à 34 millions d’années. Vers 40 millions d’années s’amorce une lente descente vers le froid associée à une inexorable baisse du CO2, alors d’environ 1 000 ppm , et qui va descendre jusqu’à 300 ppm au début du Quaternaire, il y a 2,5 millions d’années. Or, 300 ppm , c’est justement la valeur la plus haute que l’on observe durant les épisodes interglaciaires du Quaternaire, un peu supérieure à celle observée vers 1750, avant la révolution industrielle. Au cours de cette très longue décroissance du CO2 atmosphérique ont lieu des accélérations et des inversions de la tendance au refroidissement. Accélérations avec des étapes clés comme l’englacement de l’Antarctique de l’Est, il y a 34 millions d’années. Inversion quand, au Miocène moyen, températures et CO2 remontent entre 17 et 15 millions d’années.
C’est la baisse finale du CO2 qui permet l’établissement d’une calotte de glace pérenne au Groenland, il y a 2,7 millions d’années. Cette configuration a favorisé l’enclenchement des oscillations glaciaires/interglaciaires de grande amplitude. Elles bouleversent le climat et la topographie des hautes latitudes de l’hémisphère Nord et la circulation océanique profonde.
Ces changements climatiques entraînent des transformations des paysages et de la végétation, qui influencent fortement l’évolution des espèces animales et en particulier de nos ancêtres lointains. La diminution progressive du CO2 atmosphérique, le refroidissement et l’aridification des zones continentales ont favorisé l’apparition de plantes dont la photosynthèse est plus adaptée à la sécheresse, de vastes zones auparavant couvertes de forêts humides se transformant ainsi en savanes. La régression de la Paratéthys et les mouvements tectoniques dans la péninsule indonésienne ont contribué à l’aridification de larges zones en Afrique et en Asie.
Si l’on considère cette très longue durée, c’est donc dans un monde en lent refroidissement que les grands singes se sont répandus sur la planète. Nos ancêtres plus directs, les espèces du genre Homo, n’arrivent qu’à la fin de cette lente phase de refroidissement, au début du Quaternaire. Quant à Homo sapiens, il n’émerge qu’à sa toute fin et connaît les phases vraiment froides des ères glaciaires des derniers 300 000 ans.