Les calottes de glace sont-elles éternelles ?

Survoler le gigantesque continent antarctique ou observer la calotte de glace du Groenland donne l’impression d’un monde figé. Pourtant, une observation sur une plus courte échelle spatiale ou sur une période de temps plus longue permet d’envisager l’évolution des glaces. Depuis quelques dizaines d’années, nous pouvons constater le recul des glaciers partout dans le monde. La transformation du paysage de la mer de Glace, dans la vallée de Chamonix, est saisissante. Bien plus massives, les calottes de glace polaires évoluent à un autre rythme, plutôt de l’ordre du millier d’années. Mais avant d’évoquer le devenir de ces calottes de glace, intéressons-nous à leur existence.

La présence de calottes de glace à la surface du globe est plutôt rare. Avant le Cambrien, c’est-à-dire pendant les quatre premiers milliards d’années, avec un Soleil moins puissant, les archives nous montrent une Terre chaude et exempte de calottes de glace la plupart du temps. Seuls deux épisodes majeurs de glaciation massive apparaissent. Cumulées, leurs existences n’excèdent pas environ 200 millions d’années, c’est-à-dire de l’ordre de 5 % de la durée de cette période. Quant à l’époque plus récente du Phanérozoïque (les 540 derniers millions d’années), les glaciations y sont aussi plutôt rares, même si l’on tient compte de l’importante glaciation de la fin du Carbonifère qui a duré environ 50 millions d’années. Les dinosaures, qui ont pourtant eu une belle carrière entre leur apparition et leur disparition, n’ont guère eu l’occasion de côtoyer des calottes de glace. Au Jurassique, au Trias et en partie au Crétacé, il faisait chaud, voire très chaud sur Terre, bien plus qu’aujourd’hui.

La réapparition de calottes de glace est donc assez récente dans l’histoire du climat, géologiquement parlant. L’Antarctique est en position polaire sud depuis 100 millions d’années, mais il a fallu attendre que, vers 34 millions d’années, la lente décroissance du CO2 atmosphérique entraîne un refroidissement suffisant pour que les températures estivales ne provoquent plus la fonte de la neige accumulée durant l’hiver. Un phénomène indispensable à l’établissement de la calotte de glace. Quant au Groenland, il n’est englacé que depuis 2,7 millions d’années. Nous sommes dans un monde où chaque pôle possède sa calotte, mais les deux hémisphères évoluent très différemment au Quaternaire. Ainsi, l’hémisphère Nord subit de très fortes oscillations entre des phases glaciaires où le nord du continent américain et de l’Eurasie se couvre d’immenses calottes. Depuis le dernier million d’années, elles mettent près de 100 000 ans à atteindre leur apogée, et forment un énorme stock culminant vers 3 000 mètres d’altitude et enfonçant le socle rocheux de près de 1 000 mètres. Ce stock correspond à une baisse du niveau marin de 120 mètres par rapport à la situation actuelle. Suit une débâcle de seulement quelques milliers d’années qui conduit à un monde plus chaud avec deux calottes de glace similaires à celles que nous connaissons actuellement, pour 15 000 à 40 000 ans environ. Ces variations sont assez bien comprises et simulées par les modèles de climat. Notre interglaciaire est exceptionnellement long, la prochaine phase glaciaire est prévue dans 40 000 ans… mais nos émissions massives de gaz à effet de serre sont en train de changer ce destin.

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