La dérive des continents influence-t-elle le climat terrestre ?

Il y a plus d’un siècle, lorsqu’Alfred Wegener met en évidence la dérive des continents, il comprend très vite que ce phénomène s’accompagne de changements climatiques au cours de l’histoire. La découverte de traces de glaciations synchrones, vieilles de 300 millions d’années, sur des continents aujourd’hui séparés de plusieurs milliers de kilomètres, comme l’Afrique, l’Inde et l’Amérique du Sud, fait penser à Wegener que ces continents se trouvaient rassemblés en un seul super-continent, le Gondwana, s’étendant essentiellement sur l’hémisphère Sud.

Notre planète possède un thermostat lié à la dérive des continents, qui régule sa température de surface sur le long terme et lui évite de se retrouver dans une impasse trop froide, comme Mars, ou trop chaude, comme Vénus, toutes deux incompatibles avec l’eau liquide et la vie. Ce thermostat repose sur le cycle à long terme du dioxyde de carbone. Ce cycle détermine la concentration de CO2 dans l’atmosphère qui se déduit du calcul des flux de CO2 entre l’atmosphère, les océans et les continents. Aux échelles géologiques de millions d’années, le flux entrant (la source) de dioxyde de carbone dans l’atmosphère provient du volcanisme. Les éruptions émettent ce gaz de manière plus ou moins continue. Le puits de CO2 vers les océans provient de l’érosion des roches, le ruissellement des eaux y emportant une part du carbone atmosphérique, ce dernier se trouvant pris dans des réactions chimiques avec les sols. Or, l’intensité de cette érosion dépend de celle des précipitations, donc de la configuration des continents, c’est-à-dire principalement de leur répartition en latitude. Le cycle de l’eau, et en particulier la teneur de vapeur d’eau dans l’atmosphère, dépend de la température de l’air. Plus celle-ci est élevée, plus l’air peut contenir de vapeur d’eau. Les régions tropicales, chaudes, sont donc humides, tandis qu’aux très hautes latitudes, l’atmosphère est froide et sèche. L’atmosphère la plus sèche de nos jours ne se situe pas au-dessus du Sahara, mais au-dessus de l’Antarctique.

Imaginons que la masse des continents converge vers un des pôles. Les températures sur ce continent vont se refroidir, mais le cycle hydrologique va aussi s’effondrer. Du coup, moins de précipitations, moins d’érosion. Le puits de CO2 se tarit, et la teneur en CO2 de l’atmosphère augmente, l’effet de serre s’intensifie, ce qui modère le refroidissement, voire enclenche un réchauffement, évitant ainsi l’impasse froide. Inversement, imaginons que la plupart des continents soient localisés en zone tropicale. Les précipitations sont intenses et il fait très chaud, mais aussi très humide, et l’érosion fonctionne à plein. Le CO2 atmosphérique s’effondre, ce qui provoque un refroidissement, évitant ainsi l’impasse chaude. Ces processus sont baptisés « boucles de rétroactions négatives » puisqu’ils ont tendance à stabiliser le climat en s’opposant à l’effet premier de la dérive des continents en latitude. Aux échelles de temps supérieures à la dizaine de millions d’années, ces relations entre climat, tectonique et CO2 maintiennent les températures dans une plage de variations qui évite un emballement vers le chaud, comme sur Vénus, où la planète perd son eau liquide, ou vers le froid, comme sur Mars ou sur les satellites gelés de Jupiter et Saturne. La plupart du temps, cette régulation a très bien fonctionné sur Terre.

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