D’où viennent les moussons d’été ?

Le mot « mousson » provient d’un vocable arabe signifiant « saison » et correspond à des précipitations intenses survenant lors de périodes bien précises de l’année. Les moussons sont déterminantes pour l’agriculture pluviale et l’irrigation dans de vastes zones très peuplées. Les processus qui gouvernent la formation et le développement des moussons estivales trouvent leur origine dans la différence d’inertie thermique entre continents et océans. L’été, quand le soleil réchauffe fortement les grandes masses continentales, les océans qui bordent ces régions se réchauffent moins vite. Ce contraste thermique provoque la formation de vents forts et réguliers qui transportent les masses d’eau évaporées au-dessus des surfaces océaniques vers les continents.

Les paléo-climatologues disposent de traces très anciennes des moussons, car ces processus fonctionnent dès lors que la configuration océans/continents le permet. Aujourd’hui, ils se développent surtout en Asie et en Afrique, mais aussi en Australie ou en Amérique du Sud. Néanmoins, leur intensité et leur localisation ont beaucoup varié dans le temps. De nombreuses archives montrent que le cœur même du Sahara actuel était habité par une faune et une flore variées au début de l’Holocène, il y a entre 9 000 et 6 000 ans. Ces zones étaient alimentées par des rivières et parsemées de lacs. Le lac Tchad était immense, couvrant plus de 300 000 km², alimenté par les fleuves Logone et Chari qui recevaient les pluies de mousson. Le Sahara était… vert. À partir d’enregistrements continentaux lacustres et marins, les chercheurs ont pu montrer que ces oscillations entre Sahara jaune (désertique) et vert étaient périodiques sur des millions d’années, et que de telles oscillations existaient pour d’autres systèmes de moussons. Les modélisateurs du climat ont pu simuler les variations induites par la précession, paramètre qui modifie l’ensoleillement et module le cycle saisonnier. Ce sont ses lentes variations qui pilotent ces cycles d’intensification et de diminution des moussons.

Si le contraste thermique est un moteur puissant pour le développement des moussons, et la précession un modulateur très efficace de son intensité, le contexte géologique joue aussi un rôle fondamental. Il y a 40 millions d’années, la plaque indienne, après une longue dérive depuis sa séparation du continent Gondwana, est venue s’encastrer dans l’Asie. Cette collision a donné naissance au plateau tibétain et à la chaîne himalayenne. Cette énorme barrière rocheuse a amplifié les moussons asiatiques, car les masses d’eau qui s’évaporent de l’océan Indien, bloquées par les hautes montagnes himalayennes, se déversent sur leur flanc sud. Un autre événement tectonique tout aussi spectaculaire à l’échelle géologique est la quasi-disparition d’une vaste mer, la Paratéthys, entre 40 et 7 millions d’années. Cette étendue d’eau qui couvrait toute l’Europe de l’Est et l’ouest de l’Asie s’est rétractée en nous laissant quelques reliquats, la mer Caspienne, la mer d’Aral, la mer Noire et la Méditerranée. En disparaissant, elle a laissé une vaste surface continentale qui a intensifié les moussons en Asie et modifié la distribution des précipitations en Afrique, conduisant à l’aridification de l’Afrique du Nord et à la naissance du Sahara il y a environ 7 millions d’années.

Aujourd’hui, sur ces deux continents que sont l’Afrique et l’Asie, plus de deux milliards d’êtres humains vivent au rythme des moussons. En Inde, la mousson, bien que très complexe du fait de la géographie tourmentée, est plus régulière qu’en Afrique où le relief est plus plat. La variabilité de la mousson d’une année sur l’autre fragilise toute l’économie du Sahel, dont l’agriculture dépend des pluies. Le devenir des différents systèmes de mousson dans le cadre du réchauffement climatique reste une question très ouverte, les projections des modèles étant plutôt contradictoires tant sur les variations potentielles de localisation que sur l’intensité.

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