Dans quelles conditions climatiques Homo sapiens s’est-il dispersé sur le globe ?

L’origine des Homo sapiens et leur dispersion à la surface du globe sont de mieux en mieux documentées par le registre fossile mais également mieux comprises par la modélisation des climats et de l’environnement. En effet, la période climatique associée à ces événements se situe lors du dernier cycle glaciaire/interglaciaire dont les climats sont assez bien connus et simulés par ordinateur. Pour les dernières 130 000 années, on peut décrire avec précision l’évolution du climat, la baisse puis la remontée du niveau marin liée à la fonte des calottes de glace ainsi que la modulation que produit la précession sur le système de mousson. Tous ces éléments sont à prendre en compte pour bien comprendre l’ouverture et la fermeture des voies de migration utilisées par Homo sapiens dans sa conquête de tout l’ancien monde, puis du continent américain.

Charles Darwin avait fait l’hypothèse de l’origine africaine de nos ancêtres dès 1871 dans son livre La Filiation de l’homme et la Sélection liée au sexe. À l’époque, cette conjecture ne s’appuyait que sur peu de fossiles et avait été combattue avec acharnement, au point de fabriquer de toutes pièces une fausse origine de nos ancêtres avec le canular de l’homme de Piltdown (1912) : une mâchoire et des dents de grand singe fixées sur un crâne humain ont ainsi mystifié pendant des décennies la communauté des paléontologues dans le but de relocaliser l’origine de l’homme en Angleterre. Au cours du XXe siècle, l’intuition de Darwin a été étayée par la découverte de nombreux fossiles africains – à partir de l’enfant de Taung en Afrique du Sud, découvert en 1924. Elle fut renforcée par la comparaison des génomes des grands singes et des hommes actuels, qui révèle leurs liens de parenté et l’histoire de leurs ancêtres communs, puis par l’analyse de restes fossiles d’hommes préhistoriques.

La découverte récente au Maroc des plus anciens fossiles connus d’Homo sapiens, vieux de 315 000 ans environ, montre qu’il faut étudier son expansion à l’échelle du continent africain. Le registre fossile y fait apparaître une évolution de l’Homo sapiens archaïque à l’homme moderne sur une période allant d’environ 300 000 à 50 000 ans avant notre ère. Les études génétiques et la datation des fossiles indiquent que l’homme moderne aurait quitté l’Afrique en plusieurs vagues, entre 120 000 et 50 000 ans, et se serait répandu sur les autres continents en quelques dizaines de milliers d’années, remplaçant les espèces humaines antérieures, comme l’homme de Neandertal et l’homme de Denisova, avec des épisodes d’hybridation bien établis récemment à partir d’outils génétiques.

La colonisation de la planète par les Homo sapiens peut se suivre dans le registre fossile d’abord en Afrique, du Levant à la Chine, jusqu’à l’Australie et enfin l’Amérique du Nord. Elle s’est produite très rapidement lors du dernier cycle glaciaire-interglaciaire. Il y a certainement eu plusieurs vagues d’émigration d’Afrique vers l’Asie et l’Europe, mais il pouvait s’agir de faibles effectifs. Ces vagues ont pu être favorisées par des conditions climatiques permettant l’ouverture de corridors de dispersion, pilotées par les cycles de précession qui intensifient périodiquement le système de moussons, ce qui a frayé des voies de dispersion de l’Afrique vers l’Asie par la péninsule arabique et le Levant.

Après avoir pénétré en Asie, Homo sapiens arrive en Indonésie puis en Nouvelle-Guinée et enfin en Australie il y a environ 50 000 ans, profitant de la baisse du niveau marin à cette époque, ce qui facilite grandement son passage. Il peuple l’Europe il y a environ 45 000 ans, remplaçant les Néandertaliens. Quant à l’Amérique, il y parvient il y a environ 15 000 ans, par le étroit de Béring et en longeant la côte ouest du continent, lorsque saute le verrou de la calotte de glace Laurentide qui barrait le chemin.

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