Dans quel climat ont évolué les ancêtres de l’homme ?

Les ancêtres des grands singes actuels – et de l’espèce humaine –, comme toutes les espèces animales dépourvues de technologie, dépendent des conditions climatiques qui façonnent leur évolution. Il leur faut des fruits toute l’année et ils sont donc inféodés à la forêt tropicale qui leur apporte la nourriture dont ils ont besoin. L’origine des grands singes – gorilles, orangs-outangs, chimpanzés – remonte, d’après le registre fossile, à environ 25 millions d’années. On trouve leurs restes (dents, mâchoires, os…) en forêt tropicale entre 23 et 17 millions d’années uniquement en Afrique, puis également en Europe entre 17 et 11 millions d’années, à la faveur d’une période plus chaude. Les grands singes ont suivi l’extension des forêts tropicales dans toute l’Europe (jusqu’en Allemagne), à la faveur de ce réchauffement. La dispersion de nos ancêtres est donc essentiellement pilotée par les changements climatiques qui provoquent l’extension ou la régression des niches écologiques auxquelles ils sont adaptés. Malheureusement pour ces colonisateurs, cette période ne dure pas et le refroidissement de la planète se remet en route dès 14 millions d’années. Ainsi, les forêts tropicales disparaissent d’Europe et nos grands singes ne peuvent y demeurer. Soit ils retournent en Afrique, soit ils poursuivent leur voyage vers l’est. Le registre fossile nous permet de les suivre. Ils traversent l’Asie vers 13 millions d’années et arrivent finalement, vers 7 millions d’années, en Asie du Sud-Est où ils trouveront des conditions favorables jusqu’à nos jours.

Des changements climatiques sont également à l’œuvre dans l’évolution des grands singes juste avant l’émergence du genre Homo. Cette histoire du climat se passe entre 7 et 2 millions d’années, en Afrique. Une histoire beaucoup plus complexe que l’East side story racontée après la découverte, en 1974, du célèbre squelette d’Australopithèque baptisé Lucy par une équipe franco-américaine (Yves Coppens, Maurice Taïeb et Donald Johanson). Des fossiles de grands singes pratiquant la bipédie ont été découverts aussi bien à l’est du rift africain (la faille qui traverse l’Afrique de Djibouti au Mozambique en passant par l’Éthiopie et le Kenya) que dans l’actuel Sahara. L’étude des végétations et des climats montre que cette évolution est liée à la transformation des paysages provoquée par l’assèchement et le refroidissement, le passage de forêts humides à des savanes arborées. Pendant cette période, on observe une aridification du climat de l’Afrique du Nord, et l’intensification du régime des moussons, piloté par des cycles de 20 000 ans. Lorsque les moussons sont fortes, la forêt et la savane s’étendent vers le nord, en particulier autour du lac Tchad. Ce dernier, par ses impressionnantes variations de taille, est un excellent marqueur des oscillations entre phases humides et sèches. Les phases humides pouvaient durer des milliers d’années et favoriser l’installation de grands singes. Ainsi, les squelettes fossiles d’individus au moins partiellement bipèdes, Toumaï et Abel, datés respectivement de 7 et 3,6 millions d’années, ont été trouvés dans un environnement de méga-lac Tchad, région alors bien plus humide qu’aujourd’hui. Ces conditions ont perduré jusqu’à environ 3 millions d’années, lorsqu’un climat beaucoup plus sec s’est installé à l’est et au Sahel. Il a joué un rôle déterminant dans l’évolution des espèces d’Australopithèques puis d’Homo, en sélectionnant des morphologies et comportements adaptés (bipédie ou appareil masticatoire plus efficace pour des végétaux plus coriaces que les fruits). Le climat et ses évolutions ont donc eu une influence primordiale sur la dispersion et l’évolution de nos ancêtres.

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